1. Qu'est ce que la nature ?
Selon le dictionnaire, « naturel » signifie : « Qui est relatif à la nature, à l’ensemble des êtres et des choses, à l’ordre qui les régit. »
La distinction qui est faite entre ce qui est naturel et ce qui artificiel est en elle-même la conséquence de l’anthropocentrisme. En effet contrairement à ce qui est souvent affirmé, l’être humain est aussi naturel que les autres êtres: ils n’est pas sur- ou extra-naturel. Ce qu’il produit est également naturel.
Le terme « artificiel » ne signifie pas qu’une chose n’est pas naturelle, mais seulement qu’elle a été produite par l’homme, et que son existence est relativement récente dans la nature (ex : le polystyrène). Ainsi le terme naturel, lorsqu’il est opposé à artificiel, signifie en réalité «ancien », «habituel», ou encore « traditionnel ».
2. Un référentiel moral non-pertinent
Un problème se pose lorsque cette conception restrictive de ce qui est naturel devient un modèle, une valeur, une norme de comportement : c’est ce que l’on nomme alors l’appel a la nature.
Cela vient souvent de l’illusion qui consiste à croire que la nature est un ordre immuable, harmonieux, voire providentiel (pour une présentation du biais qui nous pousse à le croire voir notre précédant visuel sur la nature.
Mais en réalité la nature est, comme l’a montré notamment Charles Darwin, en perpétuel changement et elle n’a rien de parfait : la souffrance, la mort, les viols, les meurtres, l’esclavage, les famines ou les maladies sont des faits eux aussi naturels.
La nature n’est donc pas un modèle indépassable qu’il faudrait respecter voire sacraliser. Il est au contraire souhaitable d’en modifier certains aspects : découvrir de nouveaux médicaments, se protéger des catastrophes naturelles …
3. Spécisme et utilisation de l'appel à la nature
Ce sophisme est le fond de beaucoup d’arguments classiques destinés à justifier l’exploitation animale et les campagnes publicitaires de l’industrie de l’exploitation animale l’utilisent à profusion.
Ainsi nous devrions manger de la viande parce que c’est dans notre nature d’être au sommet de la chaine alimentaire, parce c’est le régime de nos ancêtres, parce que nous avons des canines, que nous sommes des animaux omnivores, … Mais le fait d’être omnivores est précisément ce qui nous permet de nous passer de manger des « produits » animaux, à condition de se supplémenter en vitamine B12.
Cette supplémentation est justement une cible de choix pour celui qui justifie sa consommation de « produits » animaux par l’appel à la nature : manger de la vitamine issue d’une synthèse bactérienne, voilà qui n’a rien de naturel ! Comme nous l’avons déjà dit cet argument est sans valeur. De plus il est criant qu’il est utilisé dans le seul but de réduire la dissonance cognitive lorsqu’il est avancé par quelqu’un qui utilise par ailleurs quotidiennement son téléphone pour surfer sur internet.
4. Réfutation de l'appel à la nature
Il nous semble toujours préférable de réfuter directement L’APPEL A LA NATURE comme nous venons de le faire, car il est l’erreur fondamentale sur laquelle peuvent naitre de nombreux débats qui s’éloignent du fondement de l’antispécisme: Les humains sont-ils carnivores ? Leurs dents sont-elles celles de chasseurs ou de cueilleurs ? L’élevage actuel est-il conforme aux pratiques du néolithique ?
Cependant il peut être utile en plus, ou en dernier recours face à un interlocuteur indécrottablement naturaliste, de réfuter le caractère naturel de l’élevage, dans les différents sens que peut prendre ce terme.
Si l’élevage est naturel au sens où comme toutes les choses il fait partie de l’univers, il est en revanche clair qu’il est artificiel. Son existence est récente (9 000 ans), il n’est pas un comportement instinctif, mais implique au contraire de nombreuses pratiques qui reposent sur une culture très complexe : soin, abattage, conditionnement… L’élevage ne respecte pas non plus les instincts, les besoins ou les préférences des animaux.
Il n’est donc pas non plus l’unique moyen qu’a trouvé la nature pour faire coexister en harmonie les humains et certains animaux, comme l’affirme par exemple Jocelyne Porcher dans une version tragique du mythe de la ‘viande heureuse ».
Enfin il reste une dernière signification de naturel à écarter. Supposer que ce qui est naturel est bon peut éventuellement avoir un sens, si nous entendons par là que la préservation d’un écosystème est bonne pour la plupart des individus ceux qui l’habitent.
Mais alors l’exploitation animale ne peut certainement pas être regardée comme faisant partie de ce type d’ordre naturel. Elle est apparue très récemment, et est pour sa grande majorité pratiquée dans des espaces fermés, physiquement coupés du reste de la biosphère, bien qu’ayant par ailleurs sur elle des effets désastreux.
Une nuance de plus :
Manger des animaux ne nécessite pas toujours de passer par ces opérations mais il est rare de chasser soi même un animal sans utiliser d’arme puis d’outils pour le dépecer afin de le manger cru sans couverts ni épices.