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Plaisir, nuisance et mort

Sommaire

  1. Plaisir
  2. Nuisance
  3. Mort

Le peu que nous appréhendons de l’univers est complexe. Notre compréhension du monde vivant, du cerveau, de l’évolution… est très incomplète. Les choix que nous faisons semblent donc infiniment compliqués à expliquer, et en isoler les facteurs nous est actuellement impossible. Pourtant, nous pouvons percevoir une logique générale qui régit les actions des êtres sentients.

1. Plaisir

Toutes nos décisions sont prises en fonction de la production d’hormones du plaisir que ces choix peuvent nous apporter quasi-immédiatement, que ce soit directement ou par projection. Inutile de savoir quelle est la nature exacte ou l’intensité du plaisir ressenti par une entité pour estimer que celle-ci est désirable, tant qu’elle n’entraîne pas de souffrances plus grande envers soi-même ou des souffrances envers autrui. Le fait de troquer sa souffrance contre son plaisir est un choix qui n’appartient qu’à soi et ne devrait pas subir de jugement moral tant que cela n’implique personne d’autre et que ces choix son faits en pleine conscience, avec la connaissance des causes et conséquences principales.

Le sentientisme tend, entre autre, à maximiser le plaisir et le bonheur des êtres sentients (puisqu’aucun autre n’est capable d’en ressentir) autant que possible. Se soucier du bien-être des autres est un principe d’empathie. C’est parce que l’on comprend, interprète et ressent les émotions des autres, dans une certaine mesure, que l’on peut éprouver des sensations désagréables lorsque l’autre subit des nuisances que l’on perçoit ; et les prendre en compte dans nos agissements. Vouloir minimiser les souffrances et maximiser le bonheur est une réponse à notre culpabilité, notre dissonance cognitive. C’est un comportement égoïste mais essentiel pour le bon fonctionnement d’une société juste. C’est ce qui se rapproche au plus près de ce qu’on nomme l’altruisme (les actes purement désintéressés n’existant pas).

Si nous pouvons soulager notre mal-être en limitant celui des autres, il est aussi possible de prendre plaisir à savoir les autres heureux-ses. c’est ce qu’on nomme la compersion. Ce phénomène est à encourager et à cultiver car ses conséquences sont profitables à toustes tant que les plaisir dont on se réjouit ne repose pas sur la souffrance d’autres.

Dans nos cultures judéo-chrétiennes, le plaisir est souvent perçu comme l’assouvissement d’un vice. Le fait de se faire plaisir peut aussi être vu d’un mauvais œil, du fait que beaucoup ne peuvent avoir accès au confort voir même à la simple survie. Un plaisir épicurien, c’est à dire provenant de la sobriété, ne retire pourtant rien aux autres, il n’y a donc pas de raison de le condamner. On pourrait reprocher le fait de se faire plaisir alors que d’autres sont en souffrance. D’un point de vue utilitariste, il peut sembler prioritaire d’agir sur les causes de malheur avant de chercher à se faire plaisir, mais dans les faits, ce calcul n’est pas exact. Agir pour les autres nécessite de s’exposer à leur souffrance, de dépenser de l’énergie, du temps, des ressources… Or, nul ne peut dépenser à perte. Pour être efficace et tenir dans le temps il est important de prendre soin de soi et de pouvoir se recharger en énergie et en bien-être.

Refuser d’être heureux-se sous prétexte que d’autres ne peuvent pas l’être est un subterfuge visant à ne pas culpabiliser, et donc à pouvoir malgré tout s’accepter et ne pas être plus malheureux-se. Il n’y a rien « d’honorable » dans ce sacrifice. Il est plus pertinent de gérer ses ressources afin de pouvoir maximiser son impact ; réserver du temps pour soi et se déconnecter de la militance pour exister, se recentrer, se divertir, reprendre son souffle avant de retourner dans la mêlée. Militer est un marathon et non un sprint. Une des qualités premières d’un-e militant-e est celle de gestionnaire : savoir s’arrêter quand il faut, se reposer, revenir quand les conditions le permettent, ne jamais lâcher. Lutter est un engagement à vie. Si notre but est de maximiser le bonheur, n’oublions pas que nous faisons partie de l’équation. Ne culpabilisons pas de prendre notre plaisir là où il est tant qu’il ne nuit à personne.

2. Nuisance

Tout est une question de plaisir et de nuisance. Bien qu’ils soient les deux extrémités d’un même spectre, ils ne fonctionnent pas en vases communicants. Une souffrance (au-delà d’un certain seuil indexé sur la tolérance de la personne qui la subit) ne peut être compensée par un plaisir. Il est difficile d’imaginer un plaisir en échange duquel nous serions prêt-e à nous faire torturer pendant vingt ans. Donner du plaisir à une personne ne justifie pas de lu infliger des nuisances. En revanche, limiter le plaisir d’une entité pour assurer le soulagement d’une nuisance est pertinent, tout comme le fait de produire une nuisance pour en soulager une plus grande, ou d’autres plus nombreuses.

Même si notre seuil de tolérance à la douleur n’est pas le même, que notre perception de la souffrance diffère, que nos besoins varient, nous avons la capacité de ressentir des nuisances en tant qu’êtres sentients et cherchons à les éviter. Il est possible d’avoir du mal à identifier ce qui relève de la nuisance ou non, ou de savoir comment sortir de dilemmes moraux mettant en concurrence des nuisances d’intensités et quantités comparables. D’où l’importance de comprendre les principes du consentement. Que nous soyons en mesure de trouver ou non des solutions ne dit cependant rien sur le fait qu’il y ait des choix impliquant de meilleures conséquences.

Une nuisance est, par définition, un ressenti désagréable. Elle peut être occasionnée par la stimulation de nocicepteurs entraînant l’activation du circuit de la punition se traduisant par une réponse pouvant aller de la gêne à l’insoutenable douleur. Elle peut aussi résulter d’un phénomène entraînant un sentiment négatif comme la jalousie, la peur, la tristesse, la colère, la frustration, etc.

Par extension, nous pouvons également émettre un jugement moral sur des actions et des idées ne produisant pas de nuisance à proprement parler : il existe des préjudices non perçus ; par exemple, le fait d’empêcher une personne d’accéder à un plaisir qui pourtant ne nuisait pas. Le fait de mettre à mort entre dans ce champ de considération.

Toutes les conséquences sont à prendre en compte, que ce soit celles qu’on observe directement en réaction à l’acte, ou celles qui s’observent dans un second temps : l’impact sur les autres, que ce dernier passe par la culture, la destruction des écosystèmes, etc.

3. Mort

Si on admet ce qui a été dit précédemment, alors la mort n’est pas un problème en soi. Elle constitue en revanche l’impossibilité d’accomplir sa volonté (sauf si sa volonté est de mourir) ; et en ça, elle est une limite à la possibilité d’être heureux-se. La mort est toutefois préférable au fait de subir des nuisances au-delà du supportable (cette limite étant propre à chacun-e).

Ne pas exister n’est pas une nuisance puisque cela n’entraîne aucune expérience négative. Il vaut donc mieux ne pas exister que d’exister dans la souffrance. Si on subit une expérience de souffrance au-delà du supportable, et entraînant un désir de mort immédiat, il est donc difficile de penser qu’exister (avec ou sans bonheur) puisse compenser cette sensation et volonté. Si l’on souhaite mourir à un instant, il est alors préférable de ne jamais avoir existé.

Il vaut toutefois mieux exister si notre existence nous rend heureux-se et n’entraîne pas de souffrances insupportables.

Ainsi, la mise à mort des animaux ne peut être justifiée par le fait qu’elle soit une cause de plaisir pour d’autre. Le fait d’offrir une vie confortable ne justifie pas non plus de mettre à mort, et faire naître ne donne pas le droit de faire souffrir ou de donner la mort.

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