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Le libéralisme

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Sommaire

1. Définitions

2. Causes

a. La domination

b. La croyance

3. Conséquences

a. L’individualisme

b. La dépolitisation

c. Le détournement

4. Solutions

1. Définition

Libéralisme : historiquement, le libéralisme est une doctrine de philosophie politique et morale fondée sur la liberté et la reconnaissance de l’individu. Il s’agit de rationaliser et ordonner les relations sociales. Le libéralisme repose sur l’idée que chaque être humain possède des droits fondamentaux naturels précédant toute association, et qu’aucun pouvoir n’a le droit de violer, et prône la liberté d’expression des individus.Dans le domaine économique, le libéralisme économique défend notamment l’initiative privée, la libre concurrence et son corollaire l’économie de marché et est ainsi congruent avec le capitalisme. Sur le plan social et politique, le libéralisme politique veut limiter les obligations imposées par le pouvoir étatique et plus généralement le système social, telles que la morale, au profit du libre choix et de l’intérêt de chaque individu indépendamment des autres.
(Source : Wikipédia)

Dans cet article, nous parlerons du libéralisme politique et non économique.

2. Causes

a. La domination

Si à la base le libéralisme vise à garantir aux individus leur liberté, le sens du terme a progressivement évolué pour faire place à une vision tronquée du principe de liberté individuelle. Les principes émanant de la volonté d’assurer à tou·te·s leur liberté sont devenus des dogmes. Ainsi, la liberté d’expression ne vise plus à assurer la sécurité des personnes, mais sert d’excuse à la diffusion de propos liberticides. La tolérance libertaire qui consiste à ne pas juger les actes, les choix ou les états de fait n’ayant pas d’implication politique (orientation sexuelle, choix de coupe de cheveux, plat préféré…) a été remplacée par la tolérance de l’intolérance.

L’approche libérale consiste à analyser une situation en se focalisant sur les individus, oubliant du même coup les effet des systèmes sociaux, en faisant reposer les événements sur des responsabilités individuelles. C’est donc une erreur factuelle. Comme nous en avons parlé dans notre article sur le déterminisme, nous sommes le fruit de causes externes. Le choix est donc une illusion tout comme la responsabilité. La société méritocratique est donc fondée sur un non-sens. Dans cette optique, une société qui vise l’égalité ne devrait pas être une société qui traite tout le monde de manière égale, mais une société qui compense les inégalités.

b. La croyance

La vision libérale du monde est intéressante pour les dominant.e.s car elle permet de légitimer leur position. S’iels ont réussi, c’est “parce qu’iels le méritaient” et les personnes qui ont échoué sont “responsables de leur malheur car si elles avaient vraiment voulu, elles aurait pu réussir”. Au-delà du fait de ne pas correspondre à une compréhension du monde soutenue par les thèses scientifiques (physicalisme), cette idéologie, si on l’applique réellement, devrait mener au-delà du classisme à du racisme, de la misogynie, etc. En effet, si des classes de la population sont opprimées, alors selon ce principe, c’est qu’elles le méritent. Si les personnes racisées ont plus de mal à s’en sortir dans une société blanche, c’est parce qu’elles sont “moins capables”, si les femmes sont si peu nombreuses dans les postes à responsabilité, c’est qu’elles n’ont “pas les compétences pour y parvenir”. Soit il y a une volonté de soustraire les causes systémiques, soit il y a juste une méconnaissance des ces causes. Dans les deux cas, c’est toujours à l’avantage des privilégié·e·s et ce carcan philosophique devient une bride à l’émancipation.

Comme nous l’avons vu dans notre article sur le dogmatisme, si notre compréhension du réel est faussée, nous ne pouvons comprendre les causes des problèmes et donc y répondre avec des moyens adaptés. Le libéralisme est un dogme qui masque les dites causes. Ce principe repose donc sur un paralogisme qui consiste à soustraire des données pertinentes dans l’analyse d’un phénomène. On va donc détacher les causes des conséquences pour pointer seulement les conséquences. Forcément, quand on fait face à un problème en ne voyant que ses conséquences, on ne peut tenter de le résoudre qu’en agissant sur elles. C’est ainsi qu’on met en place des réformes du problème, des organes de répression, la médiatisation de l’acceptation des conséquences… Tout est bon pour détourner les regards des causes, car cibler ces causes c’est s’en prendre au système, et donc aux intérêts des personnes qui en bénéficient.Se focaliser sur les seules conséquences entraîne un deuxième problème : l’exposition de faits dénués de contexte, et donc l’exposition de conséquences dénuées d’explications causales, sont susceptibles de justifier et de maintenir les mécaniques de domination, et d’entraîner une conservation et un renforcement des stéréotypes. Ce phénomène est connu sous le nom de “menace du stéréotype”.

Forcément, ces personnes étant celles qui ont le pouvoir, elles peuvent aisément maintenir l’idéologie libérale. C’est une pensée simple et gratifiante pour ceux qui réussissent ou pense pouvoir le faire, donnant l’illusion de l’autonomie, nourrissant l’espoir. Il est donc compréhensible qu’elle soit partagée inconsciemment par une grande partie de la population qui en subit pourtant les conséquences. Responsabiliser les individus va donc avoir deux conséquences majeures : l’individualisme et la dépolitisation.

3. Conséquences

a. L’individualisme

Dans ce processus d’individualisme, on ne voit plus que la liberté du décideur au détriment de la liberté des victimes. Les choix personnels apparaissent alors comme des actes ne concernant que soi et intervenir pour limiter cette liberté est alors perçu comme du moralisme totalitaire. Le danger n’est alors plus le fait de nuire à autrui, mais de risquer de se faire imposer quoi que ce soit. La peur du dictat ne semble pas s’effondrer sous son paradoxe, et pour cause. Priver les autres de liberté, lorsque c’est la norme, n’est pas perçu comme un privilège. Si nous représentions ces données schématiquement sur une échelle de l’égalité entre êtres sentients ou égalité = 0 privilège = +1 et suppression d’un droit = -1 nous obtiendrions ceci :

Pour les libéraux leur situation = 0 alors qu’en réalité elle est de +1
et donc ces mêmes libéraux pensent que les mouvements d’émancipation cherchent à transformer leur situation en -1 alors qu’elle se ramenerait seulement à = 0

Les dominant·e·s ont l’impression qu’on leur retire des droits légitimes lorsque l’on tente de corriger les inégalités. Le fait que le privilège soit la norme fait qu’il est invisible et semble juste. Il n’est d’ailleurs pas perçu comme un privilège mais comme la simple expression de sa liberté justifiée par l’idée que chacun·e dispose des mêmes possibilités.Les opprimé·e·s étant rendu·e·s invisibles, iels sont absent·e·s du débat, et les idées défendues deviennent donc incompréhensibles.

b. La dépolitisation

Il est plus simple de s’opposer aux discours libertaires lorsque nous les transformons. Ainsi, en retirant les victimes du débat, il ne reste que l’opposition et la volonté de priver de liberté une partie de la population. On va accuser les antispécistes de vouloir imposer un mode de vie, les antiracistes d’être communautaristes, les féministes de vouloir émasculer les hommes, etc. Il devient alors courageux de défendre ces positions réactionnaires face au progressisme émancipateur. La menace de la perte de privilège est perçue comme une menace envers l’identité, la culture, les croyances… Et donc engendre une grande résistance. Celle-ci peut se traduire par la stratégie consistant à assumer ses actes, laissant penser qu’ils sont légitimes et acceptables, donnant un statut de “résistant·e honorable à l’oppresseur·se”.

Faire passer les personnes qui se battent pour l’égalité et la justice pour des totalitaristes endoctrinées devient une norme. On les appelle “extrémistes”, “sectaires”, “gauchistes”… Ce qui éloigne du propos et renforce la marginalisation de ces mouvements. Pourquoi se rallierait-on à des idéologies apparemment dangereuses et dépourvues d’esprit critique ?
La norme est donc renforcée et perçue comme la neutralité.
Dans ce procédé, l’éthique consistant à minimiser les souffrances n’est plus qu’une possibilité et non un standard. Nuire aux autres est la norme et ne pas nuire est juste un mieux optionnel, dans le meilleur des cas. Ce n’est en effet pas toujours vu comme un mieux. Une stratégie libérale vise à dire que demander de ne pas nuire est moralisateur, liberticide et donc inacceptable.

c. Le détournement

On va retrouver ces dérives dans les médias. Les intentions politiques sont passées sous silence. On va parler des sujets connexes et des moyens comme s’ils étaient des fins en soi. Ce phénomène est encore une fois le fruit du libéralisme qui permet de soustraire les propos politiques des méthodes de lutte. L’opposition se sert de ce principe pour éloigner du débat, volontairement ou non selon les cas, la question de la libération animale.

Ne parler que de consommation, de régime alimentaire, de mouvement “anti-viande”, réduire le sujet à une antinomie entre boucher·e·s/éleveur·se·s et véganes/antispécistes… Sont des moyens de ramener la question à des choix individuels. La confusion empêche donc de cerner les enjeux et perturbe l’information. Réduire le débat à un simple problème de consommation et de choix personnel en maintenant le statu quo comme norme est préjudiciable pour les victimes.

La notion de responsabilité individuelle est complètement inversée dans la pensée libérale. Au lieu de prendre pour cause déterminante les systèmes dans lesquels les individus évoluent, on va les sortir de ces schémas en ne voyant plus que les choix personnels. Or, ces choix sont ne sont que des conséquences de constructions sociales et de phénomènes biologiques. Cela donne lieu à deux propositions antinomiques :

  • Dans le cadre de facteurs d’oppression qui seraient culturels, le libéralisme va défendre la liberté de chacun·e à faire comme bon lui semble en faisant appel à la notion de libre arbitre. Cette négation du déterminisme et du conditionnement culturel amène donc à croire que les individus peuvent se libérer de leur oppression en faisant des choix. On va donc avoir des facteurs d’oppression défendus par des opprimé·e·s. L’aphrodisme (discrimination sur l’apparence physique) est un bon exemple de ce phénomène. La volonté de plaire physiquement et de correspondre aux normes va être avancée comme une décision propre. Or si nous prenons plaisir à plaire ou à correspondre aux normes, c’est justement parce que nous avons intégré ces mécanismes au point d’y trouver une gratification. Nous maintenons donc notre dépendance à ces critères arbitraires en pensant être libre alors qu’une réelle émancipation serait de ne plus dépendre de ces principes arbitraires qui sont discriminants, toxiques et dogmatiques.
  • Paradoxalement, lorsqu’une oppression repose sur des contraintes matérielles, le libéralisme va encore utiliser ce principe de négation des systèmes pour responsabiliser les individus. Ainsi, dans le modèle capitaliste, on va poser des jugements moraux sur la consommation des individus sans remettre en question les systèmes de production eux-mêmes qui, au final, sont les responsables. Or les alternatives accessibles aux individus sont peu nombreuses, voire inexistantes ou illusoires, difficilement accessibles et non adaptées à l’ensemble de la population. De plus, les industriel·le·s poussent à l’achat de leurs produits en dépensant des fortunes en campagnes commerciales. On crée artificiellement de la demande pour vendre son offre.

4. Solutions

Les luttes devraient fonctionner à l’inverse de ce modèle en donnant de l’importance aux changements individuels lorsque la responsabilité personnelle est grande : c’est-à-dire que lorsque les comportements ont une influence directe sur autrui, et qui tiennent de la culture, et non du matériel. La plupart des luttes sont majoritairement idéologiques et ne se résoudront pas par des réformes du système, même si celles-ci peuvent aider au changement culturel.
En tant que militant·e·s il est donc important de pointer les systèmes, mais également de changer nos comportements lorsque cela nous est possible selon les principes évoqués plus haut. Quelle que soit la lutte, les changements individuels ne suffisent pas. Il est nécessaire de pointer les systèmes d’oppression qu’ils soient culturels ou matériels.

Changer soi-même va malgré tout avoir plusieurs conséquences désirables :

  • Le fait de soutenir le changement culturel en véhiculant des valeurs différentes notamment en montrant qu’un autre monde est possible.
  • Le fait de pouvoir réduire sa dissonance cognitive en agissant en accord avec ses convictions.
  • Le fait d’agir mécaniquement, à partir un certain seuil, sur l’économie et le marché.La pureté étant impossible à atteindre du fait des limites (physiques, politiques, économiques…) il est important de garder en tête les limites du changement individuel, afin de ne pas faire perdre en efficacité la lutte pour le changement de mœurs.
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