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La supériorité

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Sommaire

1. Définitions

2. Prémisses

a. Déterminer la supériorité

b. Limite du principe de supériorité

c. Les problèmes de la prémisse : les autres animaux sont inférieurs aux humains

3. Arguments

a. Supériorité humaine

b. Égalité

c. Misanthropie

4. Réponse

a. Contre-argument

b. Expliquer l’accusation de misanthropie

À la racine du raisonnement spéciste, on trouve généralement une croyance qui fait office de prémisse: les autres animaux sont inférieurs aux êtres humains. Dans cet article, nous allons voir pourquoi c’est un non sens, les raisons pour lesquelles elle existe néanmoins, et ce que nous pouvons y répondre.

1. Définitions

Supériorité : Prééminence, autorité, excellence au-dessus des autres.

Misanthropie : Fait de détester ou mépriser l’espèce humaine dans son ensemble, sans aucune distinction de sexe, d’ethnie, de religion ou de nationalité.

2. Prémisses

a. Déterminer la supériorité

Le concept de supériorité repose sur une classification, qui elle même se fait toujours en fonction d’un référentiel, d’un critère, d’un objectif permettant de mesurer la valeur des choses classées. La supériorité n’est donc jamais absolue. On ne peut alors accorder de supériorité que de manière ponctuelle et relatives aux domaines concernés, aux sujets/objets évalués et à l’objectif visé. Avoir une supériorité dans un domaine n’accorde pas de supériorité dans un autre.

  • Exemple 1 : Une pomme n’est pas supérieure à une orange. On peut considérer qu’elle l’est si on cherche à faire du jus de pomme (objectif).
  • Exemple 2 : L’opinion de Katherine Johnson (mathématicienne et astrophysicienne américaine ayant réalisé notamment les calculs de trajectoir d’Apollo 11) sur le prochain tournoi de sepak takraw a moins d’intérêt que celui de Norshahruddin Mad Ghani (2 fois médaille d’argent en jouant pour la Malaisie en 2010).

b. Limite du principe de supériorité

Comme nous l’avons vu, la supériorité n’a de sens qu’en fonction d’un référentiel et d’un objectif. Si notre objectif est d’avoir la société la plus respectueuse d’autrui possible, alors le référentiel est la sentience. Même si les degrés de sentience varient selon les individus ou les espèces, les hiérarchiser n’est pas pertinent si l’objectif est de les respecter. Un être est en effet doté d’intérêts dès le degré minimal de sentience, c’est à dire à partir du moment où une nuisance peut être perçue. Être plus sensible, plus raisonné, plus empathique… ne justifie pas d’accorder moins d’importance à la sensibilité, la raison, l’empathie, etc, d’autrui et n’accorde aucun privilège.

De plus, le concept de supériorité découle d’un modèle compétitif et l’entretient. Il est l’outil de la méritocratie et des discriminations. Dans le but d’avoir une société égalitariste, il est préférable de minimiser son utilisation.

c. Les problèmes de la prémisse : les autres animaux sont inférieurs aux humains

  1. Cette idée nécessite d’être démontrée. Qui dit supériorité, dit hiérarchie. Qui dit hiérarchie, dit valeur de référence. Or, les êtres humains ne sont pas supérieurs aux autres animaux dans tous les domaines, mais seulement dans certains qui sont implicitement (mais pas aléatoirement) placés par les humains en haut d’une hiérarchie des domaines: la rationalité, l’intelligence, la moralité, etc.
  2. Penser que les êtres humains sont supérieurs aux autres animaux est est un jugement qui est formulé par un des groupes soumis à cette évaluation. Les humains sont ici juges et partis: ils choisissent les critères dans lesquels ils excellent comme valeur de référence pour bâtir la hiérarchie.
  3. Le fait de croire que l’exploitation des animaux se trouve justifiée par la croyance les animaux sont inférieurs est le résultat de plusieurs erreurs de logique :
    – le raisonnement à « rebours » (ou « panglossien »)
    – le raisonnement « circulaire »
    – le paralogisme naturaliste
  4. Dans une logique de respect et de bienveillance le fait d’être supérieur à un autre individu dans un domaine confère une responsabilité à la personne en position de force (comme le dit oncle Ben dans Spiderman) et non une raison de profiter de ce statut.
  5. En admettant que les humains sont supérieurs aux autres animaux, cela n’induit pas une inférence logique (mouvement de la pensée allant légitimement des principes à la conclusion) qui permette de conclure que les êtres humains peuvent en disposer. Ces deux propositions n’ont aucun liens entre elles.

3. Arguments

a. Supériorité humaine

Chez les spécistes :
Dans l’hypothèse ou les êtres humains seraient effectivement dotés d’une capacité d’empathie supérieure aux autres animaux, il serait incohérent d’avancer ce fait pour justifier de manquer d’empathie envers les autres animaux. Penser qu’on peut faire souffrir les autres parce qu’on est capable de prendre en compte leur souffrance est contradictoire et n’aurait de sens que pour une personne cruelle. Cet argument se retrouve aussi sous la forme : Nous sommes capable d’avoir une morale, les animaux non, donc nous n’avons pas de devoir moral envers eux. La morale étant censée reposer sur la meilleure manière d’agir, et celle-ci étant pour nous référencée sur la sentience, on retrouve la même absurdité. Savoir qu’on nuit a autrui ne rend pas cette nuisance acceptable.

Chez les antispécistes :
L’empathie seule ne suffit pas à devenir végane ou être antispéciste. Penser que celleux qui ne le sont pas n’ont pas d’empathie n’est pas vrai, même si ça peut être le cas pour certains. Dans tous les cas, avoir plus d’empathie qu’une personne spéciste n’est pas un indicateur de supériorité générale.
Même si la capacité d’une entité est supérieure à une autre, ça ne rend pas cette entité supérieure à l’autre. Le fait de le penser serait une erreur de logique appelé « biais de composition » : Attribuer à l’ensemble d’un groupe une caractéristique propre à seulement une partie du groupe. La réplique #062 répond donc à ces 2 propositions.

Pourquoi ces erreurs

Le fait de penser que sa supériorité dans un domaine accorde une supériorité sur autrui est un principe qui peut s’expliquer par 2 phénomènes :

Le paralogisme naturaliste :
Faute de logique consistant à confondre un jugement de fait avec un jugement normatif. Le paralogisme naturaliste passe donc du jugement « x fait y » au jugement « x doit faire y ». Ainsi on pense qu’être supérieur justifie l’inégalité. On transforme le constat en devoir.

• La polysémie du terme :
Nus confondons alors deux sens de supérieur: « meilleur dans un domaine » et « d’une plus grande valeur ». Ainsi on en déduit que si on est plus capable qu’autrui on est absolument au-dessus de lui. La capacité à pouvoir faire telle ou telle chose n’est pas un critère pouvant justifier une différence de traitement dans des domaines sans rapport.

Par exemple :
Les chirurgien·ne·s ont des connaissances et un entraînement supérieur·e·s aux personnes qui ne le sont pas. Cela leur confère le droit d'opérer des gens contrairement aux autres. Cependant, cela ne leur donne pas le droit ou la capacité de piloter un bombardier CRJ900. Les chirurgien·ne·s ne sont donc pas généralement supérieur·e·s aux personnes qui ne le sont pas.

b. Égalité

Le fait de penser que les animalistes souhaitent les mêmes droits pour les êtres humains que pour les autres animaux est, soit une incompréhension de ce qu’est l’animalisme -auquel cas, mieux vaut se renseigner avant d’émettre des critiques- soit de la mauvaise foi. Cette interprétation vient d’un raisonnement à rebours qui considère que la loi dicte la morale au lieu de voir la loi comme s’inspirant (plus ou moins fidèlement) de la morale . C’est aussi du à une mauvaise compréhension de ce qu’est le droit et une confusion avec le devoir. Le droit est l’ensemble des règles imposées aux membres d’une société pour que leurs rapports sociaux échappent à l’arbitraire et à la loi du plus fort et soient conformes à l’éthique dominante. Afin de garantir le respect des êtres sentients, il est nécessaire que ceux ci aient des droits, et d’ailleurs beaucoup d’animaux en ont déjà. On ne peut pas exiger des autres animaux qu’ils respectent le droit humain mais on peut attendre des êtres humains qu’ils respectent les droits actuels et futurs des autres animaux. Ce contre argument est celui de la réplique #038

Ce n’est pas parce que la hiérarchisation peut poser un problème que c’est nécessairement le cas. Être capable de jauger la valeur relative de différentes idées où actes est la base de l’éthique. Le problème est d’en faire un prétexte pour légitimer une discrimination.

c. la misanthropie

1. L’accusation…
Régulièrement lorsque nous prenons la défense des autres animaux, nos interloccuteur·rices nous font entendre que nous faisons passer leurs intérêts avant ceux des êtres humains. Or l’antispécisme stipule que discriminer les animaux sur le critère d’espèce n’a pas de justification valable. Il n’y a pas non pas de raison de discriminer l’espèce humaine puisqu’elle fait partie animaux. L’antispécisme défend donc un principe d’égalité de considération. Encore une fois cela ne signifie pas que nous soyons tou·e·s pareil·le·s ou que nous devions avoir les même droits mais simplement que nos droits ne doivent pas dépendre du critère de l’espèce.

2. …injuste
Certes il y a des misanthropes chez les antispécistes mais cela reste un phénomène relativement rare/marginal (probablement pas plus que dans le reste de la population) qui n’est pas propre à l’antispécisme. Si on a suffisamment d’empathie pour s’intéresser aux autres animaux, il semble logique d’en avoir suffisamment pour s’intéresser aux êtres humains[1].

D’ailleurs, partout dans le monde, des véganes se rassemblent pour monter des Food Not Bomb ou organisent des maraudes. Ces actions ont un impact social favorable pour les êtres humains. Ironiquement, la misanthropie des capitalistes qui détruisent les écosystèmes, qui exploitent les pauvres, qui refusent d’aider les réfugiés, qui défendent la méritocratie justifiant la misère, le racisme, la misogynie… n’est plus aussi unanimement condamnée quand nous en venons à dénoncer les agissements des êtres humains.

4. Réponses

a. Contre argument

En admettant que les êtres humains sont supérieurs aux autres animaux, cela n’induit pas une inférence logique (mouvement de la pensée allant légitimement des principes à la conclusion) qui permette de conclure que les êtres humains peuvent en disposer. Ces deux propositions n’ont aucun liens entre elles.
Lorsque nous débattons, il est important de mettre en avant ce dernier argument en priorité plutôt que de débattre de la supériorité. C’est un principe logique de toujours débattre à partir de l’affirmation erronée la plus en amont du raisonnement.

Par exemple :
Avant de se demander si grâce à la magie on peut guérir les blessures de chakra, il est nécessaire de démontrer dans cet ordre que :
  • la magie existe ;
  • les chakras existent ;
  • la magie est contrôlable ;
  • les chakras peuvent être endommagés ;
  • la magie a un effet sur les chakras.

 

La réplique #027 est une réponse à cette première prémisse infondée, et fait tomber l’argument spéciste fondamental. Généralement, la personne spéciste qui se retrouve confrontée à la mise au grand jour de son dogmatisme est dans le déni et se répète en boucle du fait de ne pas réussir à justifier sa position.

b. Expliquer l’accusation de misanthropie

C’est une extrapolation basée sur le fait que les animalistes considèrent que le confort des êtres humains ne passe pas avant le besoin des autres animaux. Le but est bien sûr de décrédibiliser les animalistes via :
– Un procès d’intention, permettant de faire…
– Un homme de paille doublé d’…
– Un faux dilemme.

Ce n’est pas parce qu’on se soucie du sort des animaux qu’on ne se soucie pas du sort des humain·e·s. L’effet général donne le sophisme de la double faute consistant à dire que sa position est acceptable puisque la position adverse est plus condamnable encore. On pourrait donc être spéciste parce que ne pas l’être c’est être misanthrope.

Reprocher leur misanthropie aux antispécistes n’est donc pas un argument contre l’antispécisme car chercher à montrer que les antispécistes ne sont pas antispécistes (car il estimeraient que les êtres humains sont inférieurs aux autres animaux) c’est déjà partir du principe que le spécisme pose problème.

Renverser l’accusation, une parade bien connue dans toutes les luttes sociales, l’opposition, constituée des dominant·e·s ayant la norme de leur côté, tentent de démontrer que les opprimé·e·s font ce qu’iels dénoncent. On va parler de racisme anti-blanc, de misandrie, d’hétérophobie (oui oui vous avez bien lu). Les autres animaux ne pouvant pas être directement accusés de spécisme anti-humains (quoique les plus téméraires n’hésitent pas à défendre cette position) ce sont les personnes qui prennent leur défense qu’on attaque.

Dans les faits les animaux exploités et tués par nos soins sont à minima 15 fois plus nombreux que les êtres humains. Même si les animalistes ne s’intéressaient qu’au sort des autres animaux, on serait encore bien loin de l’égalité de considération et d’un danger de misanthropie systémique car seulement 0.015% des dons[2] fait par l’ensemble de la population sont réservés aux animaux d’élevage terrestre. Comme de manière générale on ne se soucie pas assez des animaux, que certains ne se consacrent qu’à eux ne pose pas de souci. On est encore très loin d’avoir un déséquilibre défavorisant les êtres humains.

Une fois encore on passe sous silence les victimes pour se concentrer sur le sort de la classe dominante. Dans ce cas précis on va même instrumentaliser les opprimé·e·s humain·e·s. On ne fait rien pour telle ou telle catégorie d’opprimé·e, alors même que les accusateurices sont rarement investi dans des luttes sociales. On nous parle plus de la faim dans le monde quand on parle de ne pas manger de viande que dans les conversations courantes.

De même quand on commence à parler de sexisme on nous parle du sexisme antihomme, quand on parle de racisme on nous parle de racisme anti-blanc. L’intention étant toujours la même : ne pas culpabiliser, éviter de se dire qu’on est une mauvaise personne.

[1]Il est ainsi prouvé qu’il existe «une corrélation entre le fait de soutenir l’exploitation animale, la consommation de chair animale et l’orientation «autoritaire de droite » (K. Dhont et G. Hodson [2014].). Cette orientation idéologique se définit par une valorisation du conformisme et de la soumission à l’autorité. » (M. Gibert [2015], p.208). Il est également prouvé que le degré d’adhésion au spécisme dépend, tout comme le racisme, de la légitimité qu’accorde un individu aux hiérarchies sociales (K. Dhont et al. [2014]). La chercheuse en psychologie Kimberly Costello a pour sa part montré que plus des individus adhèrent à « la thèse de l’exception humaine, moins ils attribuent à des migrants des caractéristiques typiquement humaines : par exemple la capacité d’éprouver des émotions comme l’espoir, la gratitude, par opposition à des émotions de plus «bas niveau» comme la peur de la joie. » (K. Costello et G. Hodson [2010]).

[2] Aux états unis – source Animal Charity Evaluators

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